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Ernest MOUTOUSSAMY

Membre Honoraire du Parlement -
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Quelle Guadeloupe Dans Quelle République ?

Banlieue ultramarine de Paris ? Plate-forme de redistribution pour l’Europe ? Etat indépendant, Pays majeur dans la République française ?
Une analyse fine et perspicace du demi-siècle qui vient de s’écouler peut aider à définir l’avenir. Encore faut-il pouvoir impulser une courageuse réflexion dans toutes les entrailles de cet archipel éclaté en paradoxes et rongé par l’arrivisme, les querelles, le favoritisme, la médiocrité et l’irresponsabilité.

"La Guadeloupe est au pied de l’échafaud" avais-je écrit dans un communiqué de presse en Juin 1998. Quelques mois plus tard M. Jean-Pierre MALOISEL, Trésorier Payeur Général déclare "qu’elle est dans le comma". Sans sombrer dans un pessimisme béat, l’immense majorité des personnalités lucides et responsables souligne la gravité de la situation. Aussi le département comme l’ensemble de l’Outre-Mer est-il en proie à des interrogations poignantes, au moment même où se préparent le projet de loi d’orientation et la signature des contrats de plan.

Comment en est-on arrivé là ?

La Départementalisation voulue et réclamée par Aimé CESAIRE et les progressistes de l’après-guerre devrait être dans leur esprit un acte de décolonisation en même temps qu’un contrat pour l’égalité et le progrès. Mais elle est devenue malgré de formidables avancées la matrice d’un système engendrant l’irresponsabilité et réduisant les rapports de l’Outre-Mer à la Métropole à un cordon ombilical de perfusion.
L’assimilation -son âme damnée- achevée sur le plan législatif pour ce qui concerne les institutions locales et la dimension sociale, a laissé en jachère les problèmes fondamentaux de responsabilité, de développement et d’aménagement. De plus, en étouffant la capacité d’adaptation et d’initiative, faiblement soutenue -c’est vrai- par les politiques d’alors qui s’épuisaient plutôt dans la recherche de nouvelles formules statutaires, elle a écrasé l’identité et ruiné les quelques investissements authentiques.

De fait, même l’administration étatique n’a pu trouver un positionnement juste et ses structures et moyens sont restés totalement insuffisants pour ne pas dire évanescents dans certains domaines.
Ainsi, pendant les Trentes Glorieuses, période faste pour un décollage économique, elle a préféré jeter les bases d’une société de consommation et développer outrancièrement une économie de comptoir ramenant en France métropolitaine les transferts publics. Il en résulte des politiques incohérentes sans vision d’avenir et plus particulièrement un manque crucial de maîtrise des réformes indispensables. Par exemple, sous couvert de restructuration, l’agriculture cannière a été liquidée. En l’absence de loi programme et de revendications fortes sur le plan de l’économie de production -le capitalisme local préférant le commerce d’importation sans risques et plus juteux- la dépendance s’est accrue, le chômage s’est installé durablement, l’économie informelle et l’assistanat ont été institutionnalisés. Aujourd’hui le malaise est réel et profond : misère morale et spirituelle avec abandon des valeurs et prolifération des sectes religieuses, défaite du civisme, dévalorisation du travail, ruine des traditions familiales et éducatives, faillite de l’élite intellectuelle, gaspillage de l’intelligence et des potentialités juvéniles, culture de la confrontation et du négatif, délinquance, insécurité, sentiment d’impunité...
Tout cela se déroule cependant, dans un environnement où le confort matériel individuel et collectif est de bon niveau, où l’habitat s’est amélioré considérablement, où la consommation bat des records nationaux (champagne, jeux...).


Que faire alors ?

L’Outre-Mer qui a toujours manqué ses principaux rendez-vous avec son avenir et le pouvoir d’Etat parce qu’il n’a pas su définir avec lucidité et intelligence les termes de l’équation de son appartenance à la République, doit s’évader de la confrontation idéologique stérile entre intégration et séparatisme. Si aucun homme libre ne peut s’opposer à la maîtrise du destin de son pays dans l’intérèt privilégié du peuple concerné, l’honnêteté intellectuelle et politique à l’analyse du siècle écoulé pouvant être considéré comme celui des indépendances et des structurations étatiques- recommande de reconnaître que le statut d’Etat indépendant n’est pas synonyme d’émancipation, de progrès et de vraie conquête des valeurs démocratiques et humaines. D’ailleurs, les règles imposées de l’interdépendance conduisent souvent à des subordinations, à des vassalisations qui aliènent l’indépendance véritable en lui arrachant toute prise sur le pouvoir politique qui devient alors illusoire et virtuel. C’est pourquoi, en l’état actuel des choses et compte tenu du vote du 7 Décembre 2003 je revendique l’exercice d’un pouvoir régional défini dans une charte de responsabilité avec l’Etat français.


Cette étape très certainement transitoire vers la spécialité législative passe par une autre approche de la gestion de notre appartenance à la République et par une vraie révolution culturelle. En particulier, il faut vider le système actuel de ses perversions, de son inefficacité, de sa nocivité, de ses vices, de ses relents du pacte colonial. Il faut crever l’abcès, démolir les situations de rente, rétablir l’Etat de droit et redéfinir les leviers et les dispositifs susceptibles d’impulser et d’accompagner la renaissance de la responsabilité et du développement. Cette nouvelle politique dont la finalité capitale serait l’emploi des jeunes et l’exercice effectif du pouvoir communal et régional, suppose une mise en oeuvre dynamique des priorités régionales actuelles, l’instauration de formules partenariales spécifiques, des instruments de gestion du quotidien et du développement plus cohérents, la traduction des compétences mieux assises et mieux délimitées des collectivités locales, une république moderne et vivante, la gestion régionale et décentralisée des financements européens et hexagonaux, un ministère de l’Outre-Mer transformé en pôle d’expertise en plus de sa mission politique, une réforme de la présence de l’Etat et du rôle du Secrétariat Général aux Affaires Economiques (SGAE), une régionalisation des secteurs étatiques tels l’éducation nationale, la direction du travail et de l’emploi, de l’équipement, de l’environnement, des affaires sanitaires et sociales..., une politique adaptée de la fiscalité, du crédit et de l’épargne locale, un toilettage de la législation relative à l’aménagement du territoire et du cadre de vie, une restructuration de la politique sociale et familiale, une forte promotion des cadres locaux aux postes de responsabilités, une priorité à l’embauche des guadeloupéens tant que le taux de chômage n’est pas identique à celui de la Métropole, une coopération régionale autonome, totalement décentralisée....


Bref, il nous faut jeter les bases d’un vrai projet d’une future loi cadre pour l’horizon 2015 et s’inscrivant dans l’article 74 de la Constitution.
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